Bulletin scolaire : arme de construction massive d’égo
08/07/2025

Depuis quelques jours, impossible de scroller plus de deux publications sans tomber sur les fameuses photos : enfants figés devant un mur blanc, bulletin en main, regard fier (ou traumatisé), accompagnés de phrases dégoulinantes de fierté parentale.
Mais ce qui me dépasse le plus, ce sont ces clichés où des gamins de 12 ans portent fièrement un chapeau universitaire. Allô ?! Ils viennent d'obtenir leur CEB, pas de réussir une opération à cœur ouvert.
Un peu de retenue, quand même. Gardez les toges et les cérémonies pour ceux qui, un jour, pourront peut-être contribuer au financement de nos pensions par autre chose que des likes.
Bref, les réseaux sociaux se sont transformés en "hall of fame" scolaire où chaque 12/20 mérite une standing ovation nationale.
Il fut un temps — oui, j'avoue — où moi aussi, je me suis prêté à ce jeu de la fierté numérique, exhibant mes petits génies comme s'ils venaient de remporter l'Oscar de l'Éducation. Car oui, quoi de plus normal que d'applaudir leurs performances comme s'ils venaient de survivre à un Squid Game version scolaire, où chaque contrôle raté te rapproche dangereusement du "Game Over" social. Une ambiance studieuse à mi-chemin entre Harvard et Hunger Games où les grands de ce monde décident de ton sort sur base d'objectifs communs pour tous.
Et là… là, mes amis, j'ai pris cher.
Evidemment, tout n'est pas toujours digne d'un tableau d'honneur. Parce qu'après les années glorieuses des félicitations, mention TB et photos ensoleillées… est venu le grand crash scolaire. Le fameux moment où mes enfants, ces ex-petits Mozart des bulletins trimestriels, ont dû encaisser — avec douleur, frustration et un soupçon de désespoir — leur premier vrai échec.
Et je vous assure qu'ils l'ont mal vécu. Vraiment. Presque autant que moi. Voire plus, mais chut, j'ai mon amour-propre.
On était tous en PLS : eux, perdus dans un monde où leurs efforts ne suffisaient plus, et moi, en train de faire le deuil silencieux de mes rêves de parent prodige, celui qu'on regarde avec admiration à la sortie de l'école : "Oh là là, les enfants de Machin, quelle réussite !"
C'était comme si j'avais moi-même redoublé ma vie entière. J'ai tout vécu : la honte, la remise en question, la colère contre le système, contre les profs, contre le karma, contre moi-même " pourquoi j'ai fait des enfants différents" contre eux qui se sont reposés sur leurs lauriers alors que je les avais prévenu qu'ils finiraient droit dans le mur au vue de leur attitude face au travail.
Du coup, j'ai même envisagé une reconversion en coach scolaire, de prof à domicile, d'éduc spé voire moine zen et de déménager en Finlande, là où l'enfant ne se résume plus une liste de chiffres sur un bulletin, rien que pour éviter de revivre ce traumatisme parental.... Mais je ne parle pas finlandais et je déteste le froid...
Ensuite la phase de deuil à commencer, là c'était plutôt : "Tu sais, y' a pas que les études dans la vie..." – " il y a des métiers qui sont essentiels et pour lesquels tu as toutes les capacités".... le début officiel du discours d'auto-consolation.
Parce que oui, on ne le dit pas assez, mais l'échec scolaire, ça ne se vit pas seul : c'est une tragédie familiale partagée, façon série dramatique sans générique. Des bulletins douloureux, des discussions nocturnes, et cette phrase assassine qui tourne en boucle au dîner : "Mais qu'est-ce que tu n'as pas compris ?"
Réponse du molusque en carrence de vitamine D : un haussement d'épaules, un regard vide suivi d'un "J'sais pas" qui veut tout dire....
Mais le plus dur, au fond, ce n'est même pas l'échec en lui-même. C'est le regard des autres. Le jugement silencieux (ou pas si silencieux) des parents parfaits, le sourcil levé des profs bienveillants (mais jamais pour ton enfant), et les sermons dégoulinants de condescendance des directions, avec ce ton mielleux qui pue l'hypocrisie à deux kilomètres.
Leur discours ? Toujours le même, entre l'accusation déguisée et la fausse compassion :
"Il faut l'encourager, pas le stigmatiser."
"C'est à vous, en tant que parent, de le remotiver."
Ah oui ? Et moi, je me remotive comment, quand je suis à deux doigts d'ouvrir un bar à absinthe dans ma cuisine ?
Bien qu'à y réfléchir je pense que le plus difficile, c'est de les entendre avec leur grand conseil à deux balles et qui reste surtout ce grand classique : "Il ne faut pas les fracasser."
Nouveau mantra éducatif : "Ne tape point celui qui t'offensera"… même s'il t'offense avec un 4 en maths et une mine satisfaite.
Namasté.
Enfin, tout ça pour dire qu'en alimentant ce genre de mise en scène, vous ne faites qu'entretenir l'idée qu'il faut absolument briller sur un bulletin pour "devenir quelqu'un". Comme si la valeur d'un enfant tenait à une moyenne sur 20.
Et puis, soyons honnêtes : chaque publication de votre pseudo-bonheur scolaire instantané ne reflétera peut-être pas la réalité (souvent plus rugueuse) du futur de votre chérubin. Il y a de très bons ouvriers qui ont étudié la compta. CQFD.
Au final, tout n'est souvent qu'une question d'opportunité… ou de bon timing.
Mais malgré tout, je comprends ce besoin d'afficher fièrement une réussite à laquelle vous avez activement contribué — façon crowdfunding éducatif où chaque point au bulletin semble aussi être un peu le vôtre.
Juste… pensez à rester humble. Et, ne serait-ce qu'un instant, mettez-vous à la place de ces enfants — et de leurs parents — à qui le système ne donne pas toujours les moyens de révéler leurs vraies compétences. Tout le monde ne part pas avec les mêmes cartes.
Et comme la dit le plus grand cerveau de nos temps:
"Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu'il est stupide" Albert Einstein
Vous avez, vous aussi, traversé une expérience similaire ? Ou peut-être êtes-vous en plein dedans ?
N'hésitez pas à m'écrire ou à laisser un commentaire pour partager votre histoire. Votre témoignage pourrait toucher, éclairer et inspirer d'autres personnes qui en ont besoin. 🌿